« La fin de l’école : une intelligence en fuite », par Henri Feng

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Une vidéo virale, diffusée le 8 octobre 2021, a mis le feu aux poudres numériques : une enseignante a été agressée dans sa salle de classe du lycée Jacques-Prévert, à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), le jeune « Yassine » voulant quitter l’école avant la sonnerie, et n’hésitant pas à jeter violemment la dame apeurée au sol en ouvrant la porte, avec un « wallah, écarte-toi de ma rue. Eh, le Coran, poussez-vous madame ! ».

Une terrible scène que ses camarades ont aussitôt partagée sur les réseaux sociaux. Manifestement, un génie s’en est allé. Et la sanction judiciaire sera, somme toute, assez dérisoire : 5 mois de prison avec sursis, 2 ans de probation et 140 heures de travaux d’intérêt général.

Mais y’a-t-il encore quelques personnes pour se préoccuper de la fin de l’école ? À l’encontre d’une jeunesse en chute libre… Car, pédagogisme à outrance oblige depuis les années 70, le meurtre du maître, comme illustre figure, a été commis sans laisser une goutte de sang par terre, sans négliger la féminisation de la profession, le tout allant de pair. Depuis lors, chez les riches comme chez les pauvres, on ne fait que ployer devant l’enfant-roi, qui plus est sur la base de l’addiction systématique : fétichisme de la marchandise, celui de l’écran aussi, beuverie et toxicomanie. À l’évidence, une jeunesse qui se cuite, une génération tant minimale que bipolaire. Chez qui les mots ne disent plus les choses. Ou les images contre les idées, voire les préjugés contre la rationalité. Clairement, la liberté contre l’autorité. Rousseau contre de Maistre. Alors, quand Mademoiselle hurle, papa et maman abdiquent. Quant aux garçons, ceux-là jouent trop souvent aux petites frappes, des « fils à » ou sans papa, des éternels adolescents pour qui la guerre ne peut être que virtuelle, devant être tragiquement l’inverse de Paul qui disait : « Je cours, mais pas comme à l’aventure ; je boxe, mais non pour battre l’air » (I, Corinthiens, IX, 26). Ainsi, il ne sert plus à rien d’être choqué par une situation que la technostructure française a savamment générée. En effet, pas de printemps ni de république dans le village global, l’ordre déterminé uniquement par le consumérisme, l’enseignement de toute discipline devenant un simple service et l’enseignant un prestataire à bas prix.

Le génie français peut donc se rhabiller quand la Nation devient apprenante, au nom du technoscientisme originel des Lumières. Ainsi, il ne pourrait se produire une fuite de cerveaux quand les esprits, même les moins éminents, ne sont plus là. Le but étant de produire de l’individu liquide et corvéable à merci. Et comment reproduire de l’intelligence lorsqu’il n’y a plus de place pour les limites et les distinctions ? Définitivement, un entendement peut-il se constituer sans capacité à faire des discernements ? Voilà pourquoi l’adulte devrait être pour chaque enfant le Léviathan. Parce qu’à l’école, il conviendrait de remettre le maître au cœur du dispositif, et certainement pas l’enfant. In fine, revenir aux fondements de l’Instruction publique. Comme Nietzsche, estimer que « la crainte a fait progresser la connaissance des hommes plus que l’amour car la crainte veut deviner qui est l’autre, ce qu’il sait, ce qu’il veut, en se trompant, dans ce cas, on créerait un danger ou un préjudice ». Puisque la liberté de l’enseignant est, dans les faits, un principe éthique mais nullement un principe juridique. Pire encore : la vidéosurveillance sera, à terme, installée dans les classes, le « prof » demeurant le suspect permanent, bien que les téléphones portables des élèves, eux, auront toujours droit de cité. La guerre des yeux est déclarée.

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