Enquête sur la loi du 3 janvier 1973, livre de Pierre-Yves Rougeyron
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En 1973, chaque Français (homme, femme, enfant) était endetté à hauteur de 808 euros par personne. En 2012 cette dette était déjà d’environ 26.108 euros par personne, soit 32 fois plus.1
Que s’est-il passé ? Avons-nous été comme le disent certains un pays-cigale qui jette son argent par les fenêtres ?
Pendant la campagne présidentielle de 2012, quatre candidats ( Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ) totalisant 30% des suffrages exprimés ont avancé une explication : l’État français pouvait pour réaliser ses grands travaux, utiliser sa monnaie à travers sa Banque Centrale, mais il aurait perdu cette possibilité par une loi votée le 3 janvier 1973.
À partir de là, l’État se serait endetté auprès de banques privées, payant des intérêts pharaoniques qui laisseraient aujourd’hui nos finances exsangues, et cela menacerait le patrimoine des Français et son indépendance. La courbe de l’évolution de la dette publique de la France et de ses intérêts cumulés qu’André-Jacques Holbecq a rendue publique, a eu un immense retentissement.
Nous avons pris l'initiative de retrouver les témoins et participants encore vivants de l'élaboration de cette loi pour comprendre leurs motivations. Nous avons aussi voulu vérifier si cette loi a bien eu les effets qu'on lui prête.
À travers cette enquête nous avons constaté que les élites règlent toujours les grandes questions dans la pénombre des cabinets ministériels mais jamais au grand jour devant les citoyens. À partir de textes et de documents, dont certains sont livrés au public pour la première fois, nous avons retracé la naissance, les sources et les développements d'une loi messagère d'un nouvel ordre international qui signera le retour de l'hégémonie des banques, de la finance, et des marchés sur nos vies (comme avant la crise de 1929).
C'est l'histoire d'une extraordinaire prise de contrôle des États et des Nations à partir de la confiscation de la monnaie. Dans un contexte de crise financière et européenne aggravée, écrire sur cette loi a été pour nous comme si nous avions dû écrire sur les accords de Munich au milieu de la Seconde Guerre mondiale. La réalité nous rattrape à grands pas par une souffrance sociale et une violence à venir. Si nous interrogeons nos parents, ils ont connu l'emploi, le progrès puis la crise, mais personne ne leur a jamais parlé de la dette. Comment en sommes-nous arrivés à devoir entendre tous les matins : « Tu paieras la dette ».
Qui en a débattu ? Quand l'avons-nous contractée, et auprès de qui ? Pourquoi ont-ils tout caché ?
Les Français ont le droit de savoir qui les a ruinés, par quels mécanismes et au profit de qui.
En enquêtant sur ces questions, nous avons découvert que nous étions des pions sur un gigantesque jeu de Monopoly devenu aujourd'hui planétaire. Un jeu où les gangsters ne braquent pas la banque, mais où les banques privées sont les gangsters qui braquent les Banques Centrales des États. Et l'État, c'est vous et nous !
Quand on parle de dette de l'État vis-à-vis des banques ou quand on parle de crise bancaire, on s'imagine que cela met face à face le visage financier de l'État, le Trésor2 et les banques.
En réalité entre l'État et les puissances d'argent depuis deux siècles, il y a la Banque de la Nation, la Banque Centrale. Cette dernière est l'élément le plus influent du système bancaire. Elle est la clé de voûte de tout le système monétaire et financier. Dans chaque crise bancaire son intervention est décisive car, en théorie, elle maîtrise la monnaie ( son cours et son émission ), elle peut orienter l'épargne, agir sur la dette et le crédit de chacun comme nous le verrons. On parle parfois d'elle comme « prêteur en dernier ressort » cela sonne comme un appel au secours, et en effet la Banque Centrale peut être le dernier recours.
Elle est également un lieu de confrontation et de rapports de force entre les puissances d'argent ( les marchés et les banques ) et l'État. Quand elle penchera d'un côté ou d'un autre, elle traduira le rapport de force dans la société.
Imaginez maintenant qu'une telle puissance soit privatisée, petit à petit désarmée, et qu'une structure aussi fondamentale soit retournée contre nous, ceux qu'elle protégeait au nom du doux principe d'indépendance ( le sens profond : je ne dépends plus du peuple ), que cette nouvelle structure finisse par se trahir et nous trahir. C'est ce qui est arrivé. En persuadant l'État de renoncer à sa Banque Centrale, on a mis les Etats dans la main des banques et des marchés. Si ces mains tiennent des chaînes, se sont bien celles de la dette. Et qu'elle est la première loi depuis la Seconde Guerre Mondiale qui ouvre la voie de l'indépendance de la Banque Centrale : la loi 73-7 du 3 janvier 1973 sur la Direction et l'Administration de la Banque de France.
À travers le texte de la loi du 3 janvier 1973, nous sommes remontés à ses sources au fil d'une enquête qui nous a menés du cœur de l'État français et aux vraies raisons qui nous ont conduits dans le cycle infernal de la dette.
De la City de Londres, au décrochage du dollar et de l'or en passant par les obscurs couloirs de l'Union Européenne, nous avons vu ce grand retournement des années 1970-1980. Nous avons suivi ses conséquences jusqu'à l'euro et la crise de la dette.
Nous verrons également si nous pouvons nous en sortir, et éventuellement comment. À chaque pas, nous avons évolué dans une atmosphère d'ombres et entendu les chuchotements, senti les dagues d'une guerre sourde et invisible sans une seule goutte de sang, sans bruit et sans morts apparents. Une guerre méticuleusement menée contre la démocratie, contre la France, contre le peuple, faite pas après pas et dont nous avons ressenti les effets mortels uniquement lorsqu'il fût trop tard.
C'est aussi l'histoire d'une perte d'indépendance, la nôtre, face aux banques, celle de l'État face aux banques, et bien sûr celle de la France face aux autres puissances étrangères.
C'est l'histoire d'un hold-up de légende comme personne n'aurait pu vous la raconter où les voleurs ont soutiré, rien que pour la France, 1.400 milliards d'euros si l'on ne s'en tient qu'aux seuls intérêts de la dette. Comme si on avait engagé chaque Français ou Française à payer immédiatement 25.000 euros à des étrangers avec le revolver sur la tempe. Ni Oudini avec ses lapins, ni Spaggiari avec ses tunnels, ni les Dalton n'auraient imaginé faire mieux.
Quand on pense aux années 1970, on voit des révolutionnaires en chemise hawaïenne, les chevelus, les guitares et l'amour libre. Une petite révolution pour une jeunesse occidentale qui s'ennuyait. La vraie révolution, elle, est venue d'hommes déterminés qui l'ont déclenchée touche après touche, avec un véritable plan à géométrie variable, organisé, clair, mais qui a toujours été appliqué sans débats publics et uniquement dans le secret des cabinets. En 1973 était sorti le film L'Anarque3 et, 39 ans plus tard, nous n'en sommes toujours pas sortis.
1 Bien sûr les Français ont également un patrimoine national privé qui reste supérieur à cette dette.
2 D'où le célèbre « Oh mon Trésor public » de Pierre Desproges qui lui écrivait des lettres enflammées.
3 Le duo Paul Newman et Robert Redford.
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