Suisse – « L’aigle ou le dragon », par Jonathan Moratal

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A travers toute l’histoire de la Suisse, notre pays a toujours dû trouver un équilibre entre différentes grandes puissances. C’est la raison même de notre naissance. Il est à noter que ce positionnement, nécessaire, n’a fait que se répéter, et c’est le principe même de l’histoire humaine. Tout se répète mais sous des formes différentes. C’est pour cette raison que les premières histoires de l’Homme sont toujours aussi pertinentes, à l’image du mythique « Voyage du héros »[1].

Depuis 2014, la Suisse a donc dû rejouer sa grande histoire. Celle qu’elle martèle depuis le XIIIème siècle, le fameux combat de David contre Goliath.  A l’époque, pour la Suisse, il n’y a pas un, mais deux géants, deux Empires qui l’encerclent. L’objectif, pour la survie de ce petit territoire, était de frapper suffisamment fort pour imposer son indépendance ; puis, dans un deuxième temps, de rendre son indépendance profitable pour tous. Il s’agissait d’être une grande nation guerrière et fine stratège en même temps.

De nos jours, il semble que notre pays doive à nouveau prendre des décisions stratégiques dans le grand échiquier politique international. Si l’on reprend le concept d’économie-monde de Fernand Braudel[2] : plus vous êtes proche du centre, plus vous êtes riche et fort, plus vous en êtes éloigné, plus vous êtes faible et pauvre. Le cœur de ce système s’est déplacé tout au long de l’histoire. Au XVIIème siècle, il est à Amsterdam. Au XVIIIème et au XIXème siècles, il passe à Londres. Au XXème siècle, il prend pied à New York. A cette période, durant la guerre froide, la Suisse a commencé à délaisser une partie de sa neutralité au profit des Américains face à l’URSS. Une façon de se raccrocher au centre de l’économie.

Pour le XXIème siècle, le centre change de place, c’est Shanghai, la Chine, qui concentre la nouvelle puissance. C’est donc tout naturellement qu’en 2014, notre pays signe l’accord de libre-échange bilatéral Suisse-Chine. Quelques années plus tard, elle réitère son rapprochement avec le choix d’utilisation des antennes 5G à la compagnie Huawei pour ses communications. A l’heure où les datas sont le nouveau pétrole, la messe est dite.

Concernant notre défense. Le grand débat sur la nécessité pour notre armée de se doter d’une défense aérienne correcte et pouvant faire face aux futurs enjeux a été réglé dans les urnes. Il ne restait plus que le choix technique. Le F-35 fut le grand gagnant. C’est alors qu’une bataille d’arguments se basant sur les capacités réelles ou supposées de l’appareil éclate. La problématique, comme le rappelle François Charlet, est que notre gouvernement a basé sa décision sur des considérations économiques et techniques, sans prendre en compte les concepts de géopolitique et de sécurité. En effet, l’appareil américain est une plateforme numérique importante et les données informatiques qu’il traite devront bien être stockées quelque part. Il est à parier que le lieu de stockage se trouve sur territoire américain.

Le dernier exemple dans le domaine est le projet de 110 millions de francs suisses sur 5 ans, le « Public Clouds Confédération ». Il pourrait réunir des domaines comme le Big Data, la Cyber Défense, l’IA, la Blockchain, l’Internet des objets, le streaming, l’analyse et le stockage de données. Devinez auprès de qui notre gouvernement a décidé de confier ce marché ? Non pas à une entreprise suisse mais à de multiples entreprises privées américaines et chinoises !

Il semble donc que la Suisse rejoue bien son rôle d’entre deux sans pour autant frapper du poing sur la table. Les thèses de l’incompétence ou de la corruption reviennent régulièrement. Il existe néanmoins une troisième voie, celle abordée plus tôt : la recherche d’une transition d’un centre de pouvoir à un autre. Reste que la même question plane au-dessus de nos têtes. Se plier face à l’Aigle et au Dragon en même temps, au prix de notre souveraineté numérique dans le domaine civil et militaire, est-il un coup de maître ou le premier coup de pelle de notre enterrement ?

3 Commentaires

  1. Pantoufle

    Merci pour cet article.

    Réponse
    • Moratal Jonathan

      Merci pour votre commentaire.

      Réponse
  2. Thierry

    Petite boutade symbolique & poétique :
    (pour l’ignorant en géopolitique actuelle, qui n’aime ni les cartes, ni les chiffres ).
    Question : A quels jeux jouent le dragon, l’ours et l’aigle ?

    Le premier excelle au jeu de go, il place méthodiquement ses pierres sur la route de la soie, pour bloquer et enfermer ses ennemis sur les grandes intersections maritimes & économiques mondiales.

    Le deuxième est expert en jeu d’échecs, il anticipe techniquement chaque coup & menaces de l’adversaire de manière précise & toujours avec un temps d’avance, sur le grand échiquier mondial.

    Et le dernier joue t-il à un jeu ? Le dernier pratique le bluff & le risque en permanence. N’est point joueur de poker qui veut ! 🚩

    (Mais c’est l’aigle qui décidera du sort final, car quand celui-ci, annoncera “tapis” aux autres rois des animaux, les cartes & les jeux seront enfin dévoilés ! J’ai bien peur que se soient bien les populations qui vont compter les points à la fin de la partie…)

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