La chronique anachronique d’Hubert de Champris : « Vin connexion »

Il y avait, dans les années soixante-dix, la French connexion. On parle aujourd’hui de la wine connexion. Les mauvaises langues et papilles endurcies diront qu’elles ont pour objet commun, la drogue. Mais, comparaison n’est pas raison. Seul l’alcool pur est en soi nocif. Un faible titrage humé, mâché avec de bons excipients (les cépages) participe de l’art de vivre, lequel inclut l’art de la pensée.

La connexion en question doit donc non seulement être comprise comme l’édification du réseau constitué de tous les interlocuteurs du vin et de nos spirituels spiritueux, non seulement comme l’image du filet idéologique, commercial, qualitatif dans lequel elle doit s’efforcer d’enserrer ces cépages situés à l’étranger, mais aussi comme le réseau neuronal que nos breuvages éveillent.

La science a établi que le chasselas n’était pas français mais originaire de l’arc lémanique, plutôt nord. Point français donc, mais francophone. Chasselas, fendant, Gutedel (en Allemagne), c’est tout un, et, souvent, des vins qui n’ont qu’à bien se tenir en regard de certains Monbazillac ou Sauternes. Vous y retrouvez, doucement sucrés, les grains de raisin Chasselas, et l’éveil distingué qu’il aide à se procurer, l’apparente alors à un Pineau des Charentes plus travaillé. L’autre jour, nos œnophiles avaient toutefois les neurones en berne. Tout à leur affaire, ils semblaient n’avoir pas réalisé que la dégustation des vins de chasselassitude devait les faire sortir d’eux-mêmes.
Ils n’avaient d’yeux que pour eux et ignoraient le buffet et sa tenancière – une jeune actrice reconvertie dans une profession tout aussi naturellement féminine que la comédie, à savoir la cuisine -, accessoirement ancienne épouse du cinéaste Claude Lelouch. La présence nourricière de Marie-Sophie L était une heureuse manière de joindre le solide au liquide, l’utile à l’agréable, à moins que ce ne soit l’inverse.

Aberlour c’est du lourd. La marque Pernod a eu la bonne idée de prolonger de plus fort le commerce entre l’Andalousie et le Royaume encore Uni. Elle importe des barils de Jerez et autres Puero de Santa Maria vides mais tous encore imprégnés de leurs molécules et autres arômes, et les destine à contenir ce chaud whisky septentrional non sans avoir au préalable charbonisé à la flamme leurs parois intérieures. Cette opération, très politique, contribue à latiniser nos congénères de la perfide Albion et, en tant que de besoin, à civiliser les descendants des arabo-andalous.

En matière de civilisation, les armagnacs Castarède n’ont, eux, guère de leçons à recevoir. Au contraire, leur est-il permis de les dispenser en nous incitant à nous dépenser pour eux. Un Armagnac, c’est un cognac rigoureux, un ultra-classique qui contribue à des connexions neuronales d’une haute pureté ; on ne s’en approche qu’avec respect, presque crainte et tremblement ; on l’aère, on le hume, on le repose, on en discoure des heures pour, compléterons-nous Talleyrand, se résoudre à n’y point toucher au motif de notre indignité.

Hubert de Champris

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