C’est un gros livre dont Guy Trédaniel doit connaître les auteurs : Les Magiciens du nouveau siècle (Pygmalion). Comme on dit, le meilleur y côtoie le pire, c’est-à-dire en l’occurrence qu’il est plein de ce que nous désignons du nom de fatras gnostique. Il faudrait que nous en parlions.
Mais, si ce dernier ouvrage ne devait valoir que par un seul point, ce serait celui-ci. Il y est écrit (p. 912, note 68) : La question de la manière dont l’effet d’intrication quantique peut s’appliquer au niveau macroscopique n’est de loin pas résolue.
Nous nous demandons en effet de plus en plus souvent, et sur un nombre de questions de plus en plus vaste, si la physique quantique, valable à ce jour uniquement à l’échelon des particules subatomiques, ne serait pas aussi efficiente de notre point de vue général humain, classique, courant, habituel. Les indices s’accumulent que cette physique-là posséderait un potentiel explicatif et compréhensif faramineux dont il ne nous est officiellement pas permis de faire état pour la (bonne ? ce n’est pas certain) raison que nous ne comprenons pas pour le moment les rouages de la manifestation de cet état dans le monde tel qu’il apparaît à nos principaux sens.
Il n’est point exagéré d’écrire qu’un pourcentage notable des livres publiés par le groupe Guy Trédaniel résonne du cantique des quantiques, chant, si l’on peut dire, interdit par ailleurs, chez d’autres grands éditeurs, Odile Jacob et consorts. Non pas qu’eux aussi ne l’entonnent jamais, mais ils en restreignent les heures, autrement dit : les domaines d’application.
La physique quantique, son efflorescence dans les interstices les plus reculés de nos sciences et de nos vies, voilà, si l’on peut dire, le dénominateur commun de ces livres. En bonne logique, le manuel de référence, Physique quantique, pour traduit de l’américain qu’il soit, sera posé sur le piédestal. Nous ne cessons de dire et d’écrire que cette physique là nous donne l’impression, à nous simples humains, de pénétrer dans l’entendement divin.
Il est indéniable qu’aujourd’hui tous les savants, tous les sachants, tous les spécialistes ès sciences dites dure mais aussi humaines, tous ceux qui se piquent de pouvoir faire avancer la connaissance, les philosophes, les fous, les sages et les mages, les métaphysiciens et les théologiens ne peuvent être tant soit peu pris au sérieux s’ils se désintéressent de cette matière-là, qui nous montrent que la matière est de l’esprit mais, plus encore, que l’esprit est dense d’une matière en voie d’appréhension et de compréhension. Les autres ouvrages ici visés sont en quelque sorte, et de belle sorte, les illustrations par la raison d’un manuel que vous aurez donc au préalable potassé.
Le Souffle de la grâce met en scène des schémas de vie identifiés par la physique quantique, avant tout celui de la synchronicité. Le livre narre des histoires, certaines toutes simples, tendant à montrer que tout, strictement tout (même ce qui parait de prime abord, absurde, c’est-à-dire dénué de sens), est sensé c’est-à-dire orienté, dans chaque de nos vies, vers une cause finale (au sens d’Aristote) qui aimante et rétroagit sur nos agissements.
Si l’on se souvient que la physique quantique nous donne le sentiment non certes d’égaler mais de pénétrer dont ce qui pourrait être la logique de l’entendement divin, la grâce dont il est ici question pourrait n’être que l’exercice, la manifestation de ces invisibles, subtiles mais pourtant sensibles logiques dans nos existences. Si l’on y réfléchit, on remarquera que des principes de théologie chrétienne comme la réversibilité des mérites, l’efficience de la prière et d’autres s’expliquent, sont rationnellement compréhensibles au travers de cette brise gracieuse, – compréhensibles au sens propre du terme parce que rendus sensibles.
Le cœur quantique est pour ainsi dire le pendant strictement amoureux du souffle de la grâce quand celle-ci s’exerce à nous attacher à autrui à bon escient. Nous avons ici volontairement ramassé en une expression ce que l’on scinde communément : l’amour, le sentiment amoureux voire l’attirance physique, d’une part et la connaissance effective et rationnelle de cet autre, de cet être qui nous attire, qui nous captive, c’est selon, d’autre part. On ne saurait demander au Souffle de la grâce et à ce cœur quantique la même rigueur qu’au manuel qui doit leur servir de fil d’Ariane. Et puis, que veut-on ? on peut lire du Balzac, et ce qu’on veut sans avoir préalablement assimilé un traité de stylistique de l’auteur. Disons simplement que le cœur quantique peut aider à prendre conscience de ce qui invisiblement se joue dans le monde des interactions affectives et, par cette prise de conscience, favoriser, huiler ces fameux mécanismes (le mot est en fait impropre) afin d’être plus prédisposé, le cas échéant, à saisir 1/ la donzelle ou, plus profondément 2/ le sens de la composante affective de nos vies par rapport à son ensemble sachant, une fois encore, que rétro-causalité, réversibilité du temps et autres curiosités physiques et métaphysiques y ont leur part.
Le titre de l’ouvrage de Gregg Baden, notez-le, emploie le passé composé : la science et même ce qu’improprement nous nommerons la science officielle tend progressivement à dire et démontrer ce qu’un Gregg Baden soutient, à savoir, justement et de plus en plus justement, que l’approche neuro-matérialiste de l’univers et de l’Homme, à la manière d’un Changeux ou d’un François Jacob, tient de moins en moins.
Outre une déconstruction argumentée de l’idéologie néodarwinienne (car il apparaît que Darwin n’avait pas une mentalité d’idéologue, qu’il avait conscience, en bon savant, de la précarité et donc de la réfutabilité de ce qu’il croyait avoir découvert), l’auteur fait part de faits dont les conséquences, physiques et philosophiques, sont encore insuffisamment travaillées. Il en est ainsi des neutrites, ces neurones de l’organe cœur qui semblent pourvus de capacités cognitives (et, donc, affectives) comparables aux neurones du cerveau.
Outre le microbiote intestinal à caractère si ce n’est pensant, du moins psychique, il existerait un microbiote cardiaque qui pourrait expliquer pourquoi certains transplantés héritent des goûts et des pensées du transplanteur. Si nous sommes enthousiastes à la lecture de la première partie de son livre, nous le sommes moins à la lecture de la seconde partie.
C’est au reste souvent la limite de ce type d’ouvrage, quand le scientifique se fait activiste, militant d’un nouvel homme, quand il se livre à de moins rigoureuses déductions sur les doctrines religieuses et autres. Il n’en demeure pas moins que Gregg Baden fait preuve d’un idéalisme de bon aloi, en ce sens que, précisément, il ne risquera pas de paver l’enfer de ses bonnes intentions, puisqu’il est fondé sur ce que la science nous révèle de l’intention bonne de la Création.
Cette retraitée du CNRS tend à faire preuve d’un semblant d’idéalisme, non ancienne mais toujours chercheuse en structure de la matière en physique et en science des matériaux puis en biologie moléculaire et cellulaire. D’un mot, nous pouvons dire qu’une fois encore, sous ses microscopes, et en concordance, en résonnance avec tant d’autres savants, Jeanne Ayache, à la recherche de la structure des matériaux de la céramique par exemple et au constat des défauts de structuration, déduit logiquement l’existence d’un principe, d’une puissance de vie voire d’une intention permettant de rigoureusement évacuer les notions de hasard et le matérialisme primaire qui explique le plus par le moins.
Nos remarques initiales et globales sont celles qu’émet, sous formes de réserves convenues, le physicien préfacier de Jeanne Ayache : un spiritualisme, la narration d’une synchronicité constante entre les différents pans de nos existences, un quantisme trop généralisé à l’inverse de la soi-disant stricte séparation entre science et croyance dont fait part le scientifique cartésien classique époque Claude Bernard, Charcot, Changeux
Aujourd’hui, peu sont encore dupes, et on préfère une tendance à la systématisation d’un quantisme à l’échelle macroscopique à un kantisme dont même l’espace/temps de la physique d’Einstein montre à quel point l’idée qu’il se fait de l’espace et du temps est erronée.
On suspecte bien des lecteurs de Jeanne Ayache d’avoir eu la tentation de zapper sa première partie, avec ses plaques de microscopes électroniques en noir et blanc. A tort. Car il faut parfois se faire violence, souffrir de lire et de ne pas tout clairement comprendre de ce qu’on lit avant de déboucher sur la sagesse implicite, toute de motions et d’émotions, de laquelle est faite – comme des spectacles, mais des spectacles sensuels et savants – nombre des secondes parties des récits, sommes et traités de toutes sortes éditées chez Guy Trédaniel.
Hubert de Champris
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