Pourquoi le couple Franco-Allemand est (devenu) un mythe

Depuis les années 80 nous sommes passés d’une réalité du couple Franco-Allemand, symbolisé par François Mitterrand et Helmut Kohl (le 22 septembre 1984 © Maxppp – Wolfgang Eilmesl), à un couple séparé dont l’une des parties refuse de voir l’autre.

C’était l’époque où l’Allemagne n’était pas encore réunifiée et où ce fameux couple était relativement équilibré, l’Allemagne déjà puissante économiquement et industriellement, la France encore crédible avec un outil industriel puissant, efficace et souverain, notamment dans le domaine énergétique et une armée puissante compte tenu de son rang. .

À cette époque, notre relation avec l’Allemagne nous a permis de créer des partenariats industriels forts avec d’autres partenaires européens qui ont conduit à de vrais succès industriels et commerciaux, les plus emblématiques étant Arianespace et Airbus.

Mais la situation a bien changé depuis, et le point de bascule peut être situé lors du deuxième mandat de F. Mitterrand, même si certains signes avant-coureurs étaient déjà présents lors de son premier mandat. Les premières graines de la déconstruction de la France allaient être semées par des élites françaises complètement déconnectées de la réalité économique nationale et internationale, qui ont cru que la chute du mur de Berlin rendait obsolète la construction d’une vision géostratégique, nécessaire à la bonne gouvernance de la Nation. L’époque actuelle se charge de nous rappeler cruellement que rien n’est plus faux.

Les partis de « gouvernements » responsables du déclin français

L’accession au pouvoir d’une majorité de gauche à la tête du pays a provoqué une première vague de déstabilisation économique. Avec non seulement une explosion de la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises, mais aussi une explosion des dépenses sociales qui n’a cessé de s’accentuer depuis.

En effet si la dette a commencé à se creuser sous la présidence de Giscard d’Estaing (il faut rappeler le contexte des deux chocs pétroliers subis à l’époque), ses successeurs n’ont pas eu les mêmes excuses, et pourtant la dette a explosé pour atteindre des chiffres abyssaux sous la présidence de Macron, qui ne s’expliquent que partiellement par la pandémie. On parle de 600 milliards d’euros en 5 ans (HYPERLINK “https://www.capital.fr/votre-argent/dette-publique-le-boulet-du-quinquennat-macron-2-1434857″Capital).

(Source : https://france-inflation.com/dette_publique_france_1950.php)

En parallèle, comme le montre le graphique ci-dessous, depuis 1995 la pression fiscale n’a cessé d’augmenter, tout impôt confondu. L’impact sur la compétitivité française est fort et contribue à tirer les entreprises françaises vers le bas !

On imagine sans peine que cette explosion de l’imposition s’explique en grande partie par l’explosion des dépenses sociales. Depuis les années 1950, ces dépenses ont fortement augmenté, passant de 14,3% du PIB en 1959 à 24,5% en 1981 et atteignant plus de 30% depuis 2010 (Vie publique), encore une fois la corrélation existe, même s’il est toujours délicat de parler de causalité .

On peut aussi mettre ce graphique en regard de notre commerce extérieur et de sa balance qui ne cesse de se dégrader, comme le montre le graphique ci-dessous (1971 à 2021) :

Ces chiffres sont suffisamment parlants par eux-mêmes, et on peut observer une corrélation (causalité ?) entre augmentation de la pression fiscale et chute de la balance du commerce extérieur. Mais pour être complètement honnête, le politique seul n’est pas responsable, nous avons pu constater des erreurs stratégiques majeures de la part de nos grands dirigeants d’entreprises (publiques et privées), notamment sur les délocalisations des usines de façon massive vers l’Asie. L’exemple emblématique de ce fourvoiement est celui d’un grand patron, Serge Tchuruk, imaginant au début des années 2000 notre pays sans usine (nouvel obs). Tout le monde en France a trouvé l’idée séduisante, on laisse la production et la pollution à l’Asie, la Chine en particulier, et nous aurons les emplois à haute valeur ajoutée, comme les postes d’ingénieurs, l’importance du numérique devenant prépondérante, cela allait de soi ! D’ailleurs de grandes entreprises de services informatiques sont françaises.

La réalité a été bien différente. En effet, avec les usines, le savoir-faire et de nombreuses compétences ont disparu. De même, une grande partie de l’innovation issue directement du milieu industriel et plus particulièrement des usines, nous a également échappé… Le poids de l’industrie dans notre PIB marchand est tombé à 13,5% (France-Industrie). Le chômage de masse est apparu et s’est installé en France plus qu’ailleurs.

(Observatoire des territoires)

Comparaison peu flatteuse avec l’Allemagne

Pendant ce temps, l’écart se creuse entre la France et l’Allemagne. Par exemple, même si la dette augmente aussi en Allemagne, elle reste toujours inférieure à 100% du PIB (vs 114.5% en 2022 pour la France), le rebond observé en 2020-2021 est explicable en partie par la crise Covid.

Si ensuite, nous comparons les balances commerciales des différents pays européens, le constat est sévère, nous sommes les derniers de la classe, tandis que l’Allemagne se situe à la première place.

Le dernier point clé dans cette comparaison est la part de la production industrielle allemande dans le PIB. Cette part s’élevait pour 2021 à 26.6% (Chiffres Banque mondiale) : comparés à nos 13.5%, la messe est dite.

Recul français pas seulement économique

L’ensemble de ces éléments économiques nous permettent de comprendre le grand déséquilibre qu’il existe entre la France et l’Allemagne et les rapports de forces qui en découlent.

La réunification de l’Allemagne, puis son passage réussi à l’Euro, lui a permis de renforcer son économie et son poids dans les institutions européennes.

Force est de constater que le poids de l’Allemagne est actuellement prédominant en Europe. La présidence de la Commission européenne, assurée par Ursula Van Der Layen en est l’illustration emblématique.

Le leadership de l’Allemagne s’exerce dans de nombreux domaines. En effet, sous prétexte d’apporter une contribution financière plus importante (ou du moins, proposée initialement comme telle) dans les grands projets de coopération industrielle comme Airbus ou Ariane espace, nos « partenaires allemands » nous imposent soit une implantation industrielle de la production chez eux, soit une présence plus importante au conseil d’administration( je vous renvoie à cet article publié sur la plateforme média réseau social #smartrezo ici).

On peut ajouter le combat incessant que nous a mené l’Allemagne par différents biais des institutions européennes (on peut citer le combat qu’il y a eu sur la taxonomie concernant les énergies, afin d’exclure l’énergie nucléaire des énergies « vertes ») afin de sabrer nos industries les plus stratégiques et leur laisser le champ libre. Nous avons tous à l’esprit le chantage de l’Europe qui a exigé le démantèlement d’EDF, notre fleuron énergétique. L’histoire se répète pour notre filière nucléaire où nos « partenaires » américains ont joué un rôle central (Affaire Alstom – turbine Arabelle). Procédés différents, mais mêmes effets : l’un de nos derniers fleurons industriels nous échappe et avec lui la perspective d’une énergie peu chère, un avantage compétitif, au contraire de l’Allemagne qui a fait des choix qui la rendent désormais totalement dépendante du bon vouloir Russe.

Ne parlons pas des projets de défense communs Eurodrone, SCAF ou le MGCS qui sont tout sauf équilibrés, et bien entendu en faveur des acteurs industriels allemands ! Parmi les industriels français impliqués, seul Dassault a été capable de dire non au pillage organisé de notre savoir-faire.

Le couple Franco-Allemand, ce mythe mortifère et le fossoyeur de nos ambitions universalistes

Devant ce tableau assez sombre que je viens de vous dresser, nous ne pouvons que convenir que le couple Franco-Allemand n’existe pas, et que cette relation est déséquilibrée et mortifère pour l’avenir de notre pays ! Il est temps de réagir devant un partenaire qui n’a aucun scrupule (comme les Américains) à nous mener une guerre économique qui vise à notre affaiblissement.

Il est complètement incompréhensible de voir nos dirigeants politiques continuer de faire les yeux de Chimène à notre « partenaire » Allemand, à croire qu’il pourrait encore y avoir une possibilité de partenariat équilibré entre deux pays aux comportements économiques et industriels totalement divergents. De même, imaginer que nous pourrions nous sortir de cette situation par une intégration plus complète dans l’Europe sous la forme d’un fédéralisme rejeté par les populations, sans réelle contrepartie avec l’Europe, est non seulement utopique, mais criminel en termes de responsabilités vis-à-vis des intérêts nationaux. D’ailleurs, continuer de croire en ce mythe ne fait qu’accélérer notre déclin et s’avère complètement funeste ; il est donc crucial de retrouver une volonté politique de puissance et d’indépendance. Notre pays a des ressources et de fortes potentialités sous-exploitées, il est donc important de reprendre de la hauteur, et de ne pas penser notre politique internationale et la géopolitique uniquement à l’aune de la géographie métropolitaine. En effet, en développant économiquement nos territoires ultra-marins, en s’appuyant sur les populations locales et en leur donnant de nouvelles perspectives, on redonnera à la France de l’ampleur et de la vigueur industrielle et économique.

Mais il nous faut avant tout du courage politique, actuellement totalement absent, aussi bien chez les membres du gouvernement que chez le Président. Un signe fort serait de sortir des programmes de coopérations de défense, notamment le SCAF et de missionner Dassault pour mener à bien le projet au profit de la France. Il serait bon également de reprendre le contrôle de nos marchés publics et d’obtenir une exception à la règle de concurrence, afin d’offrir à nos industriels un socle de contrats qui leur permettent d’assurer une partie de leur trésorerie et surtout d’investir avec confiance dans la recherche et le développement.

Mais hélas, je ne crains que cela ne reste qu’un vœu pieux !

Emmanuel Mawet

2 Commentaires

  1. Emmanuelle Missios

    Merci !
    Faut-il une revolution ?

    Réponse
  2. PETRINI

    « Le meilleur des hommes peut être le plus funeste des souverains, remettre les destinées de tous à un seul est l’acte le plus coupable et le plus insensé que puisse commettre un peuple civilisé » Napoléon III (lucide)
    Il faut d’abord supprimer les pouvoirs irresponsables du président tels que prévus par la V ème République, car ce régime faussement démocratique n’a été qu’une suite de renoncements. Ensuite il faut supprimer la bureaucratie bruxelloise et renégocier les traités européens, sortir de l’OTAN, organisation devenue belliciste depuis 1991, et qui n’a plus lieu d’être. Les choses déjà iraient mieux, il y aurait un ouf de soulagement et de libération.

    Réponse

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